Denier de l'Église

Messe Chrismale 2024 : répandre la bonne odeur d’une vie pure

Lors de la messe chrismale célébrée le lundi 25 mars 2024, Monseigneur Christian Delarbre, évêque d’Aix et Arles, rappelle les mots qui désignent les nouveaux baptisés.

 

« Il a fait de nous un royaume et des prêtres », entendons-nous dans l’Apocalypse. Et Isaïe annonce au peuple qui reçoit l’onction : « Vous serez appelés prêtres du Seigneur ! On nous dira « Servants de notre Dieu » ».
Tout à l’heure devant vous, le Saint Chrême, l’huile Sainte, sera béni par ces mots : « Que chaque baptisé, imprégné de l’onction sanctifiante, désormais temple de l’Esprit, répande la bonne odeur d’une vie pure, selon le dessein de ta volonté divine, en recevant la dignité de roi, de prêtre, de prophète. Qu’ils soient tous revêtus de la grâce incorruptible ».
« Le Christ Seigneur, grand prêtre pris d’entre les hommes, a fait du peuple nouveau un royaume et des prêtres », commente Lumens Gentium, sur le même passage de l’Apocalypse.

Chers disciples de Jésus, entendez en quel terme l’Écriture parle de vous et de l’onction que vous avez reçue lors de votre baptême et de votre confirmation : « Prêtres du Seigneur, onction sanctifiante, vie pure, dignité de roi, prêtre et prophète, grâce incorruptible ! »
On trouve encore dans la première Épitre de Saint Pierre ces mots : « Vous aussi, pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle pour devenir le sacerdoce saint, présentez des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus-Christ ».
Les baptisés, par l’onction du Saint Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir par toutes les activités du chrétien autant de sacrifices spirituels.

Je ne sais pas si vous avez remarqué ce qu’on dit dans la nouvelle traduction liturgique : celui qui préside s’adresse au peuple par ces mots. « Frères et sœurs, priez pour que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu, le Père Tout-Puissant ». Ou bien dans la prière eucharistique du canon romain, (avez-vous remarqué qu’) elle s’ouvre avec ces mots : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes. Nous t’offrons pour eux ou ils t’offrent pour eux-mêmes et tous les leurs ce sacrifice de louanges ».

Entendez, disciples de Jésus, entendez comment l’on parle de vous : peuple nouveau, un royaume et des prêtres, consacrés pour être une demeure spirituelle, sacerdoce saint, offrant des sacrifices spirituels. Vous recevez, par le baptême et la confirmation, une consécration pour un sacrifice. Comme le prédicateur le rappelait aux prêtres durant leur retraite de carême, ce sont deux réalités liées, « consecrare », rendre sacré, « sacrum facere », faire sacré.

C’est un don et une vocation que nous recevons par notre baptême, l’onction sainte par le Saint Chrême. L’huile sainte du baptême et de la confirmation inscrit en nous cette consécration dans l’Esprit, la vocation, mes amis, de faire sacrer votre vie, accomplir dans votre vie ce que vous avez reçu au baptême.
Les paroles du Christ à Nazareth que nous avons entendues dans l’Évangile : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction, il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres », ces paroles de Jésus, tu peux les reprendre pour toi-même, en Christ et à la suite du Christ, car tu as reçu l’onction du Christ. Cette onction brille désormais sur ton front comme une flamme, de sorte que toute ta vie en soit illuminée, que le feu de la charité t’embrase et que ta vie soit consumée dans l’amour, comme autrefois les sacrifices offerts au Temple de Jérusalem étaient consumés dans le feu.
Pense à cette noblesse, à cette grandeur, à cette dignité à laquelle tu es associé. Ton être profond a été retiré du profane pour être tout entier consacré. Ton corps est un temple de l’Esprit, il est l’autel du sacrifice.

Chaque année, la messe Chrismale est l’occasion pour le peuple saint de participer une fois encore au rite et d’entendre de nouveau les paroles qui lui rappellent cette dignité sacerdotale par laquelle le peuple offre le sacrifice spirituel d’une vie sainte et intercède auprès du Père pour le monde.

Retenez cela, retenez cela, vous portez, vous portez devant le Père l’intercession de Jésus lui-même. Le peuple chrétien n’a que trop peu conscience de sa dignité profonde, une dignité qui ne vient pas de ce qu’il est, de ses propres personnes, bien sûr, mais de ce qu’il a reçu. Trop peu conscient de sa mission et de la force que le Seigneur a donnée en partage. « Vous n’êtes pas comme les enfants de ce monde et de ce temps. Ils n’ont pas le Christ, ils sont étrangers aux alliances et à la promesse, ils n’ont pas d’espérance, et dans le monde ils sont sans Dieu » dit Saint Paul aux Éphésiens. Quant à vous, vous avez reçu l’Esprit de Jésus, vous êtes consacrés, vous participez à son oblation, à son sacrifice, à son intercession.

Je suis certain que pour chacun d’entre vous, cette intercession, cette oblation, ce sacrifice, si vous y réfléchissez, peut s’attacher à des visages particuliers.
Pensez-y ! Vous espérez pour ceux qui n’ont pas d’espérance, vous croyez pour ceux qui ne croient pas, vous œuvrez pour manifester les œuvres du Christ, vous pardonnez là où il n’y a pas de pardon, vous offrez pour ceux qui n’ont pas d’offrandes à présenter, vous intercédez pour ceux qui n’ont pas de voix pour crier vers Dieu. Et quand vous mourez, vous mourez dans la foi pour ceux qui meurent sans la foi, vous êtes un peuple saint.
Voilà ce que vous avez reçu avec l’onction sainte.

Voilà ce que les baptisés et les confirmés à Pâques et à Pentecôte vont recevoir avec l’onction sainte.
J’ai en ce jour le grand désir que le peuple chrétien ait pleinement conscience de cette dignité, de cette responsabilité, de cette beauté, de cette charge, de cette grâce incorruptible qui est sur vous, et qu’ainsi, le peuple ne se laisse pas troubler par toutes les agitations de l’époque.

Je sais, je sais que dans les choses de la foi, nous sommes influencés par la culture du temps, par les manières de penser communes, et nous épousons les illusions et les craintes et les fausses raisons du moment. Comme tout le monde, nous agissons et nous réagissons, nous pensons et nous parlons comme les païens qui n’ont pas d’espérance.
Par exemple, chacun court le risque d’être très préoccupé de lui-même, y compris dans les choses sacrées. Mais votre vie est une offrande. Ou encore de s’effrayer souvent que ces forces soient si faibles, et les puissances de ce monde si fortes. Mais la force qui est en vous ne vient pas de vous. Ou d’imiter l’esprit de parti, d’épouser l’esprit de faction, au détriment du mystère de l’unité ecclésiale qui dépasse le moment et les accidents que nous vivons. Il y a un seul Esprit, une seule Église, un seul Dieu et Père. Ou bien de s’attacher à quelques réalités partielles qu’il possède et qu’il croit défendre en ignorant la totalité du mystère de la foi. Or, il est grand, le mystère de la foi. Ou bien d’être troublé parce que le monde s’agite en tous sens dans sa folie et son désarroi. Mais Jésus a vaincu le monde.

Mes amis, vous êtes en ce monde la graine de sénevé et le grain de blé se met en terre, le levain dans la pâte et le filet jeté dans la mer. Vous êtes la perle fine, le trésor dans le champ, vous êtes la lumière dans la maison et le sel de la terre, car vous êtes un peuple saint.
Vivez comme un peuple saint, aimez comme un peuple saint, offrez comme un peuple saint, parlez et agissez comme un peuple saint, vous êtes consacrés au Seigneur. Vivez pleinement ce que vous avez reçu, afin de témoigner du Christ sur toute la surface de la terre et de rendre raison de l’espérance qui est en vous de la vie éternelle. Amen.