Reflets de l’Arc n°517

Méditations du Lundi de Pâques 2024 (partie I)

Le lendemain de Pâques, je me suis levé avec une étrange impression. Un étrange décalage. Nous étions tous très heureux et très émus par les magnifiques liturgies de la Semaine Sainte, qui nous font communier plus que jamais avec le mystère du Christ, sa passion et sa résurrection. Et j’étais sans doute comme vous, empli d’action de grâce pour le Seigneur ressuscité, lui qui s’est livré pour nos péchés et qui a vaincu la mort, lui qui s’est manifesté à chacun des nombreux catéchumènes qui ont reçu le baptême durant la Nuit Sainte. « Mort où est ta victoire ? Où est ton aiguillon ? (1Co 15,55).

Mais, figurez-vous, le monde n’en savait rien ! Il égrenait comme chaque jour le triste cortège des morts et des massacres : des dizaines de cadavres dans un hôpital, fière victoire d’une fière armée ; les recherches se poursuivent pour retrouver une victime des inondations ; les ossements retrouvés d’un petit enfant ; nouveaux bombardements dans la ville de Kharkiv ; les Jeux Olympiques se préparent ; élections en Turquie…

Ces événements et ces tragédies nous en avons connaissance par cette société de l’information qui fait de chacun de nous les témoins du terrible spectacle, tout en nous laissant devant notre générale impuissance. « Notre impuissance à les aider » comme dans la belle chanson de Jacques Brel 1.

Ce matin-là à Jérusalem, le monde non plus n’en savait rien. Juste quelques hommes et femmes bouleversés, les amis et disciples de Jésus. « Ils l’ont reconnu à la fraction du pain » (Lc 24,35) Mais le Seigneur ne s’était pas manifesté au peuple, seulement aux témoins qu’il avait choisis. Déjà, il fuyait les médias. Les yeux étaient, de toute manière, empêchés de le voir tant que le cœur n’avait pas fait un chemin, le retournement de Marie-Madeleine, le demi-tour des disciples d’Emmaüs, l’entrée du disciple au tombeau vide : « il vit et il crut ». Jésus est mort publiquement, aux yeux de tous et nul ne peut contester l’efficacité professionnelle des soldats de Rome en la matière. Mais il est né à la vraie vie aussi secrètement qu’il est né dans une mangeoire…

Mgr Christian Delarbre Archevêque d’Aix et Arles

 

1 Bien sûr, il y a les guerres d´Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr, tout ce manque de tendre
Et il n´y a plus d´Amérique
(…)

Bien sûr, ces villes épuisées
Par ces enfants de cinquante ans
Notre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dents

Bien sûr, le temps qui va trop vite
Ces métro remplis de noyés
La vérité qui nous évite
Mais, mais voir un ami pleurer !
(…)

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